Les supers-pouvoirs du Lichen

Le billet nature de Mickaël Moreau, Animateur nature au CPIE

Ramalia fraxinea, Parmelia reticulata, Xanthoria parietina… Non ce n’est pas la nouvelle édition de Pokémon pour Noël, ni même les incantations magiques d’Harry Potter, mais trois petits noms, parmi les 20 000 espèces environ de lichens présentes sur la planète depuis plus de 500 millions d’années. Tel un pionnier, le lichen appose sa mosaïque de couleurs (orange vif, gris clair, vert bleu, noir de jais, jaune vif) sur la roche nue, sur des troncs d’arbres, du béton, des clôtures, des pierres tombales, des toits, du sable, et même sur le sommet de l’Everest ! Alors, même si le fait de prononcer ces noms ne fera pas apparaître un lapin blanc, nous pouvons néanmoins prêter au lichen des vertus quasiment surnaturelles… Petit zoom sur l’un de ses super-pouvoirs : la qualité de l’air !

Lichen fruticuleux

Une symbiose, pour le meilleur ET le pire. 
Le lichen est bien connu lorsque l’on aborde la symbiose entre deux espèces. Ici c’est le mariage entre un champignon et une algue qui se sont retrouvés pour un échange mutuelle de service : l’algue apporte des glucides et des acides indispensables au développement du champignon et le champignon  apporte protection et sels minéraux à ce dernier. Un harmonieux mariage vous avez dit ? Pas tout à fait. Si l’on regarde de plus près (ou avec une loupe binoculaire et un grossissement x40) on s’aperçoit que la cohabitation n’est pas des plus tendre envers l’algue. Si cette dernière assure la nutrition en glucide grâce à sa capacité de photosynthèse le champignon gère la structure du lichen, qu’on appellera le thalle, en canalisant les cellules de l’algue afin d’empêcher qu’elle ne se développe. Vous m’en direz tant … En ouvrant le Larousse à la définition thalle on peut parler des organismes qui n’ont pas de structures organiques définies, comme chez les plantes où l’on retrouve les racines, la tige, les feuilles et la fleur. Sans racine… Mais alors comment se nourrit le lichen ?

Lichen crustacé

Nous nous sommes longtemps fourvoyés sur le lichen, dont le nom est porté également par une maladie de la peau, la dartre, en pensant qu’il parasitait les troncs. Il n’en est rien car nous les retrouvons sur quasiment tous les supports imaginables. Or on peut parasiter un tronc mais pas un rocher. Son alimentation ne peut donc pas venir du support. Ainsi ses apports nutritifs vont alors se trouver dans l’eau de pluie et l’air qui transporte un tas de particules (nitrates, sulfates, ammonium, virus, bactéries, oxyde de soufre, métaux lourds, etc.) et qui vont être stockées et ré-exploitées par les lichens.

A chacun son menu !
Chaque espèce de lichen se développe grâce à son propre « cocktail ». Certaines espèces vont tolérer plus ou moins bien le dosage des acides et de gaz présents dans l’atmosphère tandis que d’autres ne vont pouvoir se développer que dans un environnement pur.  Les scientifiques l’ont bien compris et ont réinvesti ces sentinelles discrètes de la pollution de l’air en classant certaines espèces de lichens en fonction de leur présence ou non sur des secteurs. On les appelle ainsi les espèces bio-indicatrices car elles aident à mesurer la qualité de l’air que nous respirons.

Lichen foliacé

Ouvrez l’œil pour avoir du nez ! 
Vous pouvez également être observateur du lichen sans apprendre les 2 000 espèces présentes en France. Un premier diagnostic de la qualité de l’air peut être avancé en fonction des types de thalles (la forme du lichen) majoritairement présents sur les troncs d’arbres. C’est la méthode de Gaveriaux (1999). Un environnement moins pollué présentera davantage de thalles fruticuleux puis foliacées. En revanche, si vous constatez uniquement la présence de crustacés sur un site cela veut dire que l’air est de mauvaise qualité (taux d’azote élevé par exemple). Certains lichens signalent même une pollution atmosphérique.
C’est ainsi que les spécialistes de la bio surveillance et autres lichénologues parviennent, par leurs observations, à démontrer la présence excessive d’azote dans l’air ou de métaux dans le sol.

Alors à vos loupes, prêt ? Observez !
Regardez autour de vous et choisissez quelques arbres exposés au vent et à la pluie, à l’écart du couvert forestier (parc, jardin, verger, arbres d’alignement, etc.) En suivant le lien ici vous trouverez un petit dépliant qui vous indiquera la démarche à suivre.