Monsieur Pique-prune, sur un poteau perché
Par Morgane Sineau, Chargée de mission Eau et Biodiversité
Cet été, le CPIE a participé grâce à la Chambre d’agriculture de la Sarthe à une étude de recensement des populations de Pique-prune sur deux sites Natura 2000 du Nord de la Sarthe suivis par la Chambre d’Agriculture. Deux stagiaires ont été missionnées, Angélique et Sandra, pour réaliser les relevés sur ces deux territoires. Le CPIE a accompagné les deux stagiaires sur une partie de leur phase terrain.
Tout d’abord qu’est-ce qu’un Pique-prune ?
Ce coléoptère appartenant à la famille des Cétoines (ex: Cétoine dorée) est surtout connu chez nous pour sa capacité à avoir stoppé les travaux de construction de l’autoroute A28 qui traverse notre département, car strictement protégé par la législation européenne et par la loi française depuis 1979. (donnant au Pique-prune le même statut que l’ours ou le loup). Ceci étant dit, il ne s’agit pas moins de la plus grosse cétoine de France qui peut atteindre plus de 3 cm. De coloration noir-brun-olivâtre selon les reflets du soleil, il ne faut pas le confondre avec ses cousins bousiers qui contrairement à lui sont facilement observables se déplaçant au sol. Le Pique-prune, lui est beaucoup plus discret et ne fréquente que les arbres.
Mais comment recense-t-on les populations de Pique-prune ?
Il faut au préalable une petite formation sur le travail en hauteur, car les Piques-prunes vivent dans les cavités pleines de terreau (terreau issu de la décomposition du bois) des vieux arbres, notamment les arbres têtards. Ces drôles d’arbres à qui on a coupé la tête à plusieurs reprises, mode d’exploitation un peu particulier mais très efficace pour former des cavités nécessaires à la présence du Pique-prune. Ce mode de gestion, historiquement utilisé dans le bocage sarthois, permettait de produire sur un même arbre de façon régulière du bois jeune servant au fourrage des animaux ou de bois de chauffage. Les cavités se forment suite aux blessures liées à la coupe.
Ainsi pour trouver le Pique-prune, il faut rechercher les arbres avec des cavités favorables à sa présence, car oui, Monsieur Pique-prune est quelque peu exigeant en terme d’habitat. Il lui faut une cavité bien exposée, et si possible au-dessus de 4 m de hauteur, une ouverture optimale, un terreau pas trop humide ni trop sec, et un volume minimum de terreau compris entre une dizaine et une centaine de litres.
De plus, il est peu mobile, et se déplace rarement sur une distance supérieure à 200 m. De ce fait Monsieur Pique-prune est particulièrement menacé par le changement des pratiques agricoles et par la fragmentation du paysage.
Une fois qu’un arbre à cavité est observé, il s’agit d’aller vérifier la présence de terreau dans la cavité, d’où parfois la nécessité de grimper sur les arbres à l’aide d’une échelle, et de rechercher les indices de présence du Pique-prune. Le Pique-prune étant une espèce protégée, le CPIE et la Chambre d’agriculture ont donc réalisé au préalable des démarches auprès des services de l’état pour avoir l’autorisation de rechercher et manipuler cette espèce.
Quels sont les indices de présence recherchés ?
coque nymphale + crottes
Les crottes, des larves (quand celle-ci n’est pas tout au fond de la cavité car elle vit plusieurs années dans le terreau avant de se transformer), des coques nymphales (moment de transformation de la larve en adulte à l’intérieur d’une coque), des adultes vivants (si nous avons de la chance !) ou morts (arrivés trop tard car l’adulte ne vit qu’un mois) ou des fragments (le plus souvent qui peuvent rester plusieurs années) et l’odeur du Pique-prune. Oui oui, le mâle émet des phéromones pour attirer les femelles, dont l’odeur est perceptible par notre nez. L’odeur, paraît-il, rappelle l’odeur du cuir de Russie, ou encore celle de la prune (d’où son nom). Nous, on trouvait que l’odeur était sucrée rappelant un peu certains bonbons.
Au final, nous avons surtout trouvé, des crottes, des fragments, une phéromone par-ci, une phéromone par-là, des crottes, encore des crottes et puis après une fouille minutieuse du terreau d’un arbre, un bruit soudain nous interpelle, « oh c’est quoi ? un frelon ? » demande Angélique qui redescendait de l’arbre, « heu non je crois que c’est un lucane qui s’est posé », répondis-je en m’approchant de la branche où je distingue la silhouette d’un coléoptère caché sous une feuille. J’attrape, la bébête dans ma main, l’ouvre et là : « Angélique, c’est un Pique-prune ! ». Moment euphorique, car c’est quand même la première fois que nous observons toutes les deux un individu adulte vivant. Posé sur un poteau à côté de l’arbre découvert, nous en profitons pour prendre quelques photos avant d’assister à son envol….raté. Monsieur Pique-prune, nous le confirmons, n’est pas très à l’aise au vol, tombé au sol, nous constatons qu’il a quand même quelques difficultés au vue de sa taille à se hisser sur les herbes pour repartir. Nous le remettons sur le piquet et là le second décollage est un peu mieux réussi, nous l’observons voler quelques instants jusqu’à ce qu’il disparaisse derrière une haie, en espérant qu’il ait trouvé une cavité à occuper.
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