CPIE 72

« Du castor en Sarthe ? non mais tu débloques ?… »

Et oui ! j’entends cette petite phrase à chaque fois que j’évoque le sujet de par des observations, des anecdotes et quel bonheur de voir passer les émotions sur le visage de mon interlocuteur : l’étonnement, la curiosité, le sourire … De quoi vous interroger oui, quand le simple mot castor vous fait penser à la dernière brochure de l’Office de Tourisme du Canada ou encore Yakari et Petit Tonnerre. Le fameux « Cousin d’Amérique ».
Mais détrompez-vous, il existe bel et bien (la preuve en image en bas de la page !)  le Castor d’Amérique (Castor canadensis pour les intimes) et le Castor d’Europe (Castor fiber), deux espèces bien différentes incapables de s’hybrider. Les traces de présence en bord de Loir ne sont donc pas dues à un « lâché de Castor d’Amérique» réalisé lors d’un évènement de jumelage pour rappeler le passé plus qu’étroit qu’entretient la ville de La Flèche avec nos cousins Québécois (mais ça c’est une autre histoire)….
Notre Castor européen est donc bien présent dans l’hexagone, en Sarthe et notamment sur le Loir. Vous serez surpris de savoir que la première mention du Castor sarthois date de 1999 et sur quelle commune ? Et bien La Flèche. Depuis, le Castor est maintenant présent sur la rivière Sarthe entre le Mans et Sablé-sur-Sarthe, sur la Vègre et sur la partie aval du Loir, depuis Marçon jusqu’en Maine-et-Loire.

La preuve en image à la fin de l’article

 

Mais comment est-il donc arrivé chez nous ? 
A la fin du 19ème Siècle, le Castor d’Europe était au bord de l’extinction en France, l’engouement pour sa fourrure (notamment pour la confection de chapeaux de hauts de forme en feutre de Castor très en vogue depuis le 17ème Siècle en Europe) aurait pu lui être fatal. Son sauveur ? Le commerce avec l’Amérique du Nord et la découverte du Castor d’Amérique, nouvelle source à profusion de fourrure, et son classement en espèce protégée en 1909 dans les trois départements où il était encore présent (à peine une centaine d’individus) : le Gard, le Vaucluse et les Bouches-du-Rhône. S’ensuit deux opérations de réintroduction de castors rhodaniens sur le Bassin de La Loire, une sur la Loire aval qui a eu lieu entre 1974 et 1976 en plusieurs phases avec au total 13 individus capturés autour de Montélimar et relâchés sur la Loire entre Blois et Mer. La deuxième concerne la Loire amont dans le département de la Loire qui eut lieu en 1994. Notre Castor fléchois serait donc issu de la première réintroduction avec une colonisation via la Maine côté Maine-et-Loire ou alors le Loir amont par le Loir-et-Cher.

 

Mais qui est donc Père Castor ?

 

Animal rongeur et exclusivement végétarien, il se nourrit d’écorces, de jeunes pousses ligneuses, de feuilles, de végétations herbacées ou aquatiques. Les essences qu’ils préfèrent : les saules, les peupliers, le Cornouiller sanguin, le Noisetier, le Frêne et l’Aulne. Même si celui-ci peut peser jusqu’à plus de 20 kilos (le poids d’un chevreuil), le Castor ne s’en fait pas pour autant discret. Pour les plus courageux, passionnés comme nos naturalistes au CPIE, un affut peut être réalisé en bord de rivière non loin des indices de présence pour tenter de l’apercevoir à la nuit tombée. Mais attention, pas un bruit et pas un mouvement pendant de longues heures pour tenter de l’apercevoir…. Pas donné à tout le monde et pas sûr que votre observation se finisse simplement par un ragondin confondu avec notre bête. De plus, la configuration du Loir n’aide pas, assez méandré sur certains secteurs où des gîtes ont été repérés. Notre Père Castor, sort ainsi de son terrier dont l’entrée est toujours sous l’eau, en apnée pour ressortir sur la rive une centaine de mètres plus loin bien à l’abri des regards indiscrets. 
Une méthode plus simple consiste à détecter sa présence en scrutant la rivière et ses abords à pied ou à coup de pagaie. Pour s’y essayer : habitants Fléchois, tout simplement en vous baladant le long du Loir, soyez attentifs à certains indices, vous serez vite surpris : Ha ! une écorce rongée ici, une entaille en forme de sablier par là et un peu plus loin, jackpot ! un bel ensemble d’arbustes coupés à 20, 30 centimètres du sol, le tronc restant en forme de pointe de crayon avec une houpette au sommet, c’est bien notre animal. Vraiment spectaculaire !
Mais vous me direz, les castors, ça ne fait pas de hutte ? de barrage sur la rivière ?, bien sûr, comme son cousin le Castor d’Amérique, celui-ci fait des huttes qui constituent son terrier et parfois des barrages très occasionnels sur le Loir (du fait de la configuration des berges) pour accéder à de nouvelles zones d’alimentation (Père Castor est moins à l’aise sur terre) ou alors pour maintenir un niveau d’eau suffisant pour avoir une entrée du terrier sous l’eau. Dans le cas où vous observez une hutte, les bon réflexe du « Castor Friendly » :
  1. on ne s’approche pas trop, on ne le dérange pas, (la hutte peut ne plus être habitée mais à défaut de le savoir, prudence)
  2.  on prend une photo et on l’envoie au CPIE (msineau@cpie72.fr) avec la date et le lieu d’observation. 

 

Pour aller plus loin
Carte de situation du Castor en Pays de la Loire (source : portail Biodiv’Pays de la Loire)

 

Les suivis scientifique du CPIE

Depuis la confirmation de sa présence fin des années 90, des suivis scientifiques (par affût et en canoë) sont réalisés en vallée du Loir depuis 2012 par le CPIE dans le cadre des suivis sur le site Natura 2000 de la Vallée du Loir. Ces suivis sont réalisés en étroite collaboration avec l’Office Français pour la Biodiversité. Ils ont permis de recenser environ six installations (hutte ou terriers) de castors entre Vaas et Bazouges dont 4 toujours en activité.

Depuis 2012, le CPIE suit les installations du Castor sur le Loir. Mais comme il est quasiment impossible de l’observer de visu, (le Castor est animal discret et d’activité crépusculaire et à tendance à s’immerger à la moindre menace). Nous confirmons sa présence par la découverte de différents indices : branches taillées en biseau, en pointe ou avec des marques d’incisives, présence de terriers et huttes, présence de réfectoires, ou de chantiers d’abattage. C’est grâce à ce type d’indices que nous avons identifié un site d’activité récente de castor au bord du Loir. Un affût a préalablement été mis en place début septembre, période où les jeunes sont bien actifs et accompagnent les adultes lors de leurs sorties nocturnes. Mais celui-ci n’a rien donné, la configuration du Loir sur certains secteurs n’est pas toujours propices à une vue dégagée et le Castor peut réaliser des apnées sur plusieurs centaines de mètres. Les traces de grignotages étant néanmoins très récentes et un des arbres n’était pas complètement abattu, il a ainsi été décidé d’installer un piège photographique mis à disposition par l’OFB qui permet la détection de mouvement de jour comme de nuit. Nous avons ainsi collecté, entre le 27 octobre et le 3 novembre 2021, une cinquantaine de prises de vues, dont quarante où l’on peut observer deux castors. Un adulte et un jeune appartenant au même groupe familial.

 

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