CPIE 72

Les résultats du week-end chauves-souris hiver 2024

Cette année encore, de nombreux bénévoles se sont mobilisés durant un week-end pour recenser les chauves-souris hibernantes en Sud Sarthe. Ce ne sont pas moins de 56 bénévoles qui ont donné de leur temps le week-end du 10 et 11 février. Ces actions sont d’une importance capitale pour la connaissance des chauves-souris. En effet, en 2 jours, 7287 spécimens ont été comptés, soit 95 % de tous les individus recensés sur la saison.

Alors, un grand merci à vous tous de tant contribuer à la protection des chauves-souris !

Le comptage des chauves-souris en cavité est capital pour estimer les tendances des populations. Les chauves-souris étant des animaux qui se reproduisent peu, elles peinent à reconstituer leurs effectifs après une perturbation1. Il est donc primordial de connaître leurs effectifs afin de réagir vite en cas de chute.

Cette action n’aurait pas eu lieu sans l’appui de nos partenaires : le Département de la Sarthe, la DREAL des Pays de la Loire, les fonds européens Natura 2000 Vallée du Loir via la région des Pays de la Loire, la Fondation Humus et Biocoop à qui nous adressons aussi un grand merci !

En 2024, les effectifs sont moindres que les années précédentes, on a recensé 7287 chauves-souris contre 7781 en 2023 et 7800 en 2022. Soit une diminution d’environ 6 % après deux années de remarquable stabilité. Les résultats pour les espèces aux effectifs importants sont détaillés dans la Figure 1. Les résultats pour les espèces plus rares sont présentés en Figure 2.

Cette baisse des effectifs pourrait s’expliquer par des différences dans les sites prospectés entre les années. Or, ce sont sensiblement les mêmes sites qui sont recensés chaque année lors du week-end chauves-souris. De plus, seuls quelques sites comptabilisent la quasi-totalité des effectifs. Les 10 principaux sites comptaient 85 % des effectifs recensés en 2023, et ces sites sont étudiés chaque année lors du week-end. Au sein du deuxième et du troisième plus gros site, à Luché-Pringé et à Mayet, on observe une chute d’effectifs drastique en 2024.

Où sont les rhinolophes ?

 

Grands rhinolophes – ©CPIE72

 

À Luché-Pringé comme à Mayet, se sont surtout les effectifs de grands rhinolophes et de petits rhinolophes qui ont chutés (Figures 3 et 4). Ces résultats pourraient être liés à des dérangements survenus sur ces sites. En effet, les rhinolophes ont la particularité de se laisser pendre librement du plafond en hibernation, contrairement aux autres espèces souvent mieux dissimulées. Ainsi, en cas d’actes de malveillance humaine, les rhinolophes risquent d’être les premiers touchés. Or, aucun dérangement majeur n’a été constaté cette année, ce qui écarte cette hypothèse.

Ainsi, le dérangement n’explique pas cette baisse d’effectifs des rhinolophes. Malgré tout, ces évènements restent d’actualité et illustrent le besoin de poursuivre les efforts de sensibilisation quant aux enjeux liés à la conservation des chauves-souris et de la biodiversité en général.

 

 

On observe une tendance à la raréfaction des rhinolophes hibernants en Sarthe depuis quelques années. En 3 ans, ce sont près de 1000 grands rhinolophes en moins que l’on a compté au cours du week-end chauves-souris, dont 335 de moins entre 2023 et 2024. Pour les petits rhinolophes, on observe la même tendance, ils représentaient environ 13 % des chauves-souris comptées en 2021, 9 % en 2022 et 2023 et 5 % cette année. Ces résultats sont illustrés en Figure 5.

 

Pour les murins, tout va bien !

 

Murins à oreilles échancrées – ©Mathilde Damette

Pour les autres espèces, les tendances sont cependant stables, voire à la hausse ! On peut s’intéresser aux 4 espèces de murins les plus abondantes en cavité : le Murin à moustaches, le Murin à oreilles échancrées, le Grand Murin et le Murin de Daubenton. Ces 4 espèces représentent en 2024 une part plus importante du total de chauves-souris comptées lors du week-end qu’en 2022 (Figure 6).

Pourquoi cette baisse d’effectifs des rhinolophes ?

Petit rhinolophe – ©Roman Gentel

La dynamique des populations de chauves-souris hibernantes en Sarthe est plutôt stable voire en hausse, sauf chez les grands rhinolophes et les petits rhinolophes. La raison de cet apparent déclin n’est pas claire. Cependant, de nombreux bénévoles ont émis l’hypothèse que cette baisse d’effectifs pourrait être liée aux températures douces pour la saison. En effet, peut-être que les populations de rhinolophes sont en fait stables mais que leur nombre en cavité dépend des conditions environnementales qui joueraient sur la date de sortie d’hibernation ?

Puisque nous disposons de données de comptage depuis 2007, nous les avons exploitées afin d’essayer de mettre en lumière d’éventuels effets des facteurs environnementaux sur les effectifs des rhinolophes en cavité à l’aide de modèles linéaires généralisés. L’objectif étant de pouvoir mieux interpréter les résultats des prospections. Est-ce que nos résultats traduisent une réelle évolution des populations ou bien reflètent-ils des comportements des chauves-souris conditionnés par la météo ?

Les analyses ont effectivement montré des liens entre les effectifs de rhinolophes et les valeurs des paramètres environnementaux les jours précédents les prospections. Néanmoins, bien que les extrêmes chauds de températures aient une influence sur les effectifs recensés, les effets les plus forts sont en fait liés aux extrêmes froids et à la quantité de précipitations 10 jours avant le comptage. En fait, les vagues de froid important (< – 5°C) et les périodes de fortes pluies ont un impact négatif sur la présence des petits rhinolophes en cavité.

D’autres auteurs ont également pu établir des liens entre les conditions météo et les effectifs de rhinolophes en cavité. Une étude réalisée dans les Alpes italiennes a mis en évidence une corrélation inverse entre la température 10 jours avant les prospections et les effectifs recensés de petits rhinolophes2.

Autre fait intéressant, les rhinolophes répondent également aux températures du jour suivant les prospections. Les grands rhinolophes et les petits rhinolophes sont moins nombreux en cavité lorsque le minimum de températures est élevé le lendemain des prospections. Ainsi, on peut émettre l’hypothèse que les rhinolophes réagiraient aux changements de pressions atmosphériques liés à ces changements de températures.

Les changements de pression atmosphérique sont plus faciles à détecter depuis l’intérieur de la cavité que les changements de températures. On sait que certaines espèces de chauves-souris sont plus actives en hiver lorsque la pression atmosphérique est basse, ce qui est corrélé avec des températures plus douces et un temps couvert3 4.

Ainsi, on peut supposer que la météo influe bel et bien sur les effectifs de grands rhinolophes et de petits rhinolophes recensés lors des week-ends chauves-souris. Néanmoins, ces paramètres seuls semblent insuffisants pour expliquer la baisse d’effectifs observée depuis 2021, ce qui soulève des questions sur l’évolution des populations de ces deux espèces.

D’où viennent nos chauves-souris hibernantes ?

Utilisation d’un lecteur de puce manuel – ©Agnès Roger

Cette année encore, nous avons participé au programme d’étude des chiroptères cavernicoles prioritaires en Nouvelle-Aquitaine5. Dans le cadre de ce programme débuté en 2016, nous avons scanné les individus de certaines espèces à l’aide d’un lecteur de puce manuel, à la recherche d’un transpondeur implanté sous la peau. La présence d’un transpondeur nous renseignerait sur l’endroit où l’individu a été capturé en été et donc sur les déplacements effectués par cette espèce au cours de l’année.

En 2024, nous avons scanné près de 800 grands rhinolophes, soit environ 60 % des effectifs de l’espèce recensés durant le week-end chauves-souris en Sarthe. Nous nous sommes aussi intéressés à plus de 1400 murins à oreilles échancrées, soit environ 40 % des effectifs de l’espèce recensés lors du week-end.

Néanmoins, comme l’année dernière, aucune puce n’a été trouvée. Ainsi, le mystère demeure sur l’origine précise des chauves-souris hibernantes en Sud Sarthe.

 

Mathilde DAMETTE

Volontaire en Service Civique « Ambassadrice du réseau chauves-souris »


Bibliographie

1 : Racey, P. A., & Entwistle, A. C. (2000). Life-history and reproductive strategies of bats. In Reproductive biology of bats (pp. 363-414). Academic Press.

2 : Toffoli, R. (2021). Relationship between external weather conditions and number of hibernating bats in two caves in the western Italian Alps. European Journal of Ecology, 7(2).

3 : Blomberg, A. S., Vasko, V., Meierhofer, M. B., Johnson, J. S., Eeva, T., & Lilley, T. M. (2021). Winter activity of boreal bats. Mammalian Biology, 101, 609-618.

4 : Koch, M., Manecke, J., Burgard, J. P., Münnich, R., Kugelschafter, K., Kiefer, A., & Veith, M. (2023). How weather triggers the emergence of bats from their subterranean hibernacula. Scientific Reports, 13(1), 6344.

5 : LEUCHTMANN M., ROUE S., PONTIER D., DACHEUX L., (2023) – Chiroptères Cavernicoles Prioritaires en Nouvelle-Aquitaine – Rapport d’activités, phase 4/5. FNE Nouvelle-Aquitaine, 114 p.


Opération organisée et encadrée par le CPIE Vallées de la Sarthe et du Loir

Réalisée grâce au soutien financier du Département de la Sarthe et de la Direction Régionale de l’Environnement, de l’Aménagement et du Logement (DREAL), de la Biocoop de La Flèche et de la Fondation Humus.

 En partenariat avec le Conservatoire d’espaces naturels des Pays de la Loire

   

 Et soutenu par Natura 2000 Vallée du Loir porté par le PETR Pays Vallée du Loir

          

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